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Le jouet vecteur d’inégalité ?

Oh Oh OH!!!

Ce mois-ci on est dans la course : quelle tenue porter le soir du réveillon ? Quel repas préparer ? Qui inviter ? Quels cadeaux offrir ? La liste au Père-Noël a sûrement été déjà écrite, peut-être même déjà envoyée ? Au bout du long chemin de La Poste, y a-t-il un vieux monsieur vêtu de rouge et à la barbe aussi longue que les lettres qu’il reçoit ?

Et se pose-t-il les mêmes questions existentielles que nous ? Jouets en bois ou en plastique ? Dernier cri ou classique indémodable ? Ecolo ou carrément nocif ? Avec ou sans gluten ? (Rires) Et cette question nouvelle mais nécessaire : jouet stéréotypé ou non ? Genré ou neutre ?

Il suffit d’ouvrir n’importe quel catalogue de jouets pour le voir : rose pour les filles, bleu pour les garçons.

Pire encore, se rendre sur place, dans l’antre de la grande distribution du jouet et admirer les boîtes : « Oh la belle petite fille qui s’amuse à repasser ! Et ce beau petit garçon qui s’amuse avec son circuit de voiture ! »

Il est vrai que certaines marques font des efforts ; j’ai pu voir un garçon passer l’aspirateur (avec ce jouet formidable qui fait autant de bruit que le vrai mais qui n’aspire PAS ! Ceci est un autre débat), ou encore un garçon et une fille jouer à cuisiner sur une boîte de mini-dinette.

Mais je vous mets au défi de trouver une boîte de circuits de voitures ou de garage sur laquelle figure une petite fille, et un petit garçon sur une boîte de poupée.

J’ai souvent entendu dans ma vie de maman « tu laisses ton fils aller au parc avec une poupée ?! » (Mon fils, 5 ans, pas 25, sinon là on pourrait s’inquiéter.) À force de répondre j’ai trouvé LA REPONSE : « l’idée qu’il devienne un bon père vous effraie-t-elle autant ? » Silence.

Parce que les hommes d’aujourd’hui (oui, je sais, il reste des récalcitrants!) sortent avec leurs enfants, les portent en porte-bébé, il est donc normal pour un enfant d’être dans l’imitation. En revanche, la voiture dans les mains d’une petite fille est moins « instinctive », perçue comme moins naturelle. Peut-être parce qu’elle ne représente pas le même symbole dans notre inconscient collectif.

Si on admet qu’un garçon joue à la dinette et à la poupée (si on l’admet…), on s’imagine qu’il deviendra chef cuisinier et bon père de famille, ok.

Par contre, à quoi sert de mettre un garage entre les mains d’une petite fille ?? Ah ! Deviendra-t-elle garagiste ?!  Horreur ! Qui a l’image d’une femme fatale pleine de cambouis ?? Personne. Qui s’imagine avoir une femme décoiffée, tachée, courant dans tous les sens… Pas grand monde (vous remarquerez que ces représentations sont considérées « normales » s’il s’agit d’un petit garçon).

Pourtant l’enfant tout petit, quel qu’il soit  s’intéresse à tout type de jouets (les plus bruyants et les plus colorés de préférence, voir ce qui n’est pas un jouet….) Il n’a aucune conscience du genre auquel il appartient, il ne s’en soucie pas. Qui vient donc lui chuchoter à l’oreille « non, pas ça, c’est pour les filles », ou à une fille : « tu ne préfères pas la jolie licorne ? » (C’est quand même plus pratique pour se déplacer en ville).

C’est nous ! Les adultes. Ceux qui se donnent tant de mal pour répondre aux attentes de la société, ceux qui ont appris à se saucissonner pour entrer dans une case (qui devient de plus en plus petite) ; « sois poli, dis merci, tout ça… »

En attendant, ce n’est pas le gros bonhomme rouge et blanc qui va passer trois plombes à faire la queue, pendant laquelle il va se demander s’il a fait le bon choix, si le jouet à la mode aurait été peut-être mieux, parce que sa progéniture va sûrement se sentir exclue devant les copains qui l’auront tous reçu, ou déçu parce qu’il voulait faire du slime à paillettes, et qu’on a jugé que c’était mieux pour sa sœur. Ou alors le jouet en bois rétro qui coûte deux bras et un rein, mais qui est quand même incassable, biodégradable, indémodable, éco-responsable, tout à fait instagramable (et pleins d’autres mots en -able).

Non, ce gros bonhomme va passer le mois de Décembre à se balancer bien tranquillement sur son rocking-chair dans un coin de notre tête, et nous, on va courir.

Avant que les marques ne réfléchissent à une couleur neutre pour emballer leurs jouets, avant que l’on ose sortir de nos cases étriquées et que l’on cesse de vouloir répondre à une image et l’imposer aux plus jeunes, respirons ensemble un bon coup… Détendons nous et ne nous interdisons pas la possibilité d’offrir Barbie à une fille, Iron Man à un garçon. Seulement à l’avenir, faisons en sorte de le faire consciemment, en variant les différents types de jeux, en proposant à l’enfant de plus nombreuses possibilités.

Repensons ensemble à une vérité absolue (oui, j’ose) :

Peu importe le temps que nous avons mis à faire cette fichue queue à la caisse dans notre manteau trempé (par la pluie à l’extérieur, par notre sueur à l’intérieur), peu importe que nous ayons fait la queue à la seconde caisse, et à celle de l’emballage cadeau à l’effigie de l’enseigne (Grillé ! La Grande Récrée, c’est pas au Pôle Nord…), ou que nous l’ayons emballé nous-même; peu importe son prix, les enfants restent ces petites personnes qui s’amusent et qui dévoilent l’immensité de leur imagination le matin de Noël avec…. les cartons d’emballages.

Je propose donc d’ouvrir nos chakras, de poser un peu de notre charge mentale (qui s’allonge en décembre) devant un bon téléfilm M6 (années 90 si possible), de se promettre de varier les choix qu’on met sous le nez de nos enfants (et ceux des autres) et de profiter sereinement du temps passé en famille.

Je vous souhaite un joyeux Noël, avec Mariah Carey en fond sonore, sinon ce n’est pas marrant.

 

À propos de l’auteur

Profession : Mère au foyer. Bien que n'étant pas une profession reconnue, c'est pourtant un domaine bien vaste dans lequel il faut savoir endosser plusieurs casquettes. En une seule journée je suis : Animatrice, femme de ménage, chef d'entreprise, secrétaire, comptable, ouvrier, manutentionnaire et j'en passe (je passe le détail des horaires et de la rémunération!). Sans oublier d'être simplement une maman, une fille, une sœur, une femme. Une femme de 31 ans qui s'interroge sur la société et qui a trouvé dans la vie quotidienne un formidable terrain d'observation. Passionnée d'écriture, de philosophie, d'Histoire, de travaux manuels, de mode, j'essaie d'aborder la vie avec humour dans tout ce qu'elle a de sérieux.

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